Il est des fois urgent d’attendre, faute de mieux

Nous sommes instamment invités à travailler plus et à consommer davantage, cela ne fait que commencer. Pour reprendre un vieux slogan publicitaire de BNP Paribas – oserait-elle encore l’employer ? – « Pour parler franchement, votre argent m’intéresse ! ». Une question laissée au second plan ne va toutefois pas tarder à apparaître : le remboursement de nos crédits bancaires de toutes natures.

La BCE l’a anticipé en mettant sur le chantier un projet de structure de défaisance – une bad bank – qui aurait vocation à recueillir les « prêts non performants » (NPL), car elle s’attend à ce qu’ils grimpent au plafond. Il serait question d’un trou de 500 milliards d’euros, une fois additionnés les défauts de paiement sur les prêts hypothécaires, automobiles ainsi que sur les cartes de crédit. Or, il resterait encore plus du même montant de NPL dans les bilans des banques européennes en héritage de la précédente crise. Ce qui montre à quel point il est difficile de s’en défaire en les cédant avec une décote plus ou moins prononcée : une fois les meilleurs crédits vendus, il reste le fond du panier.

Les provisions pour « augmentation du coût du risque » et les garanties apportées par les États suffiront-elles à digérer un tel montant supplémentaire ? Les premières ont été calculées pour correspondre aux deux seules dernière semaines de confinement de mars dernier. Les secondes ont déjà franchi le cap des 100 milliards d’euros en France, alors que le guichet où les entreprises peuvent présenter leur demande reste ouvert jusqu’à la fin de l’année. La création d’une bad bank n’est pas officiellement sur le tapis, mais cela devrait venir.

La prudence avec laquelle la BCE et l’Autorité bancaire européenne avancent n’est pas sans fondement. Car créer une bad bank suppose l’adoption d’un mécanisme d’absorption des pertes, qui seraient lourdes est-il estimé. Qui les assumera ? Il serait question que le Mécanisme européen de stabilité (MES) puisse venir en garantie de la bad bank, mais c’est reculer pour mieux sauter. Certains pays, comme l’Allemagne, ont les moyens de faire face aux pertes subies par leur système bancaire et ne se voient pas soutenir les pertes bancaires des autres pays de l’Union.

Les fourmis ne sont pas prêteuses, c’est de longue date établi. Et les nouvelles en provenance des Pays-Bas n’incitent pas à un optimisme démesuré. L’adoption d’un plan de relance européen, tel qu’il a été proposé par la Commission, et pour lequel un projet franco-allemand est également sur le tapis, annonce des négociations très tendues qui ont commencé et dont le résultat est incertain. Pour la bad bank dont la proposition mettrait de l’huile sur le feu, il va falloir attendre !

Sur le papier, il y aurait bien deux autres options, mais elles sont d’un maniement délicat. Afin que les créditeurs ne fassent pas défaut, des recapitalisations d’entreprises pourraient intervenir avec apport de fonds publics. Mais comment justifier que ce soient des quasi-chèques en blanc, toute intervention dans leur gestion étant par principe proscrite ? L’autre solution consisterait à abandonner les banques à leur propre sort et à favoriser une restructuration grand format du système bancaire européen en faveur de quelques mastodontes. Mais il vaut mieux s’en tenir au papier pour entamer ce kriegspiel qui atteindrait frontalement les pouvoirs régionaux.

7 réponses sur “Il est des fois urgent d’attendre, faute de mieux”

  1. François,

    Le sens d’un mot réside dans son utilisation ; ainsi, le sens du signifiant « souveraineté » dépend du but dans lequel il est utilisé.

    Nous savons que le système bancaire mondialisé est une association d’entreprises privées (les banques) dont les noms des propriétaires ne sont pas connus. De même, les banques centrales sont détenues par des banques privées de façon que la monnaie soit contrôlée, non pas par les États, mais par des intérêts privés, lesquels depuis les années 80, rançonnent les peuples par le mécanisme des dettes publiques.

    Par l’intermédiaire des banques centrales, le réseau des méga banques associés aux méga cartels industriel a le complet contrôle des États et du destin des peuples.

    Le gouvernement mondial que j. Attali appelle de ses vœux pour sauver l’humanité convertie à l’altruisme, n’est rien d’autre que la prise de pouvoir irréversible de l’alliance des cartels industriels et bancaires. Dans ce contexte la seule et dernière chance des peuples pour se débarrasser de l’esclavage par la dette publique éternelle, est, pour chacun, de reprendre sa – souveraineté – et de l’exercer sur sa monnaie.
    Pour cet objectif, il nous faut déchirer le mensonge selon lequel les banques centrales sont des institutions publiques au service de l’État. Les banques centrales sont des institutions privées et rien d’autre.

    Les peuples d’Europe ne peuvent rien contre la Banque centrale européenne, et celle-ci n’est que l’association des banques centrales de chacun des pays de l’UE. Pour reprendre aux banques le contrôle politique de son destin, chaque nation doit rétablir sa – souveraineté-, et nationaliser sa banque Centrale pour en changer les mécanismes. Pour ce projet, la nation est le seul niveau de l’organisation sociale ou une action est encore possible; c’est donc pour ce combat de la dernière chance que prend sens la volonté d’utiliser le mot de souverainisme, et rien d’autre.

    1. Taratata ! souveraineté renvoie en l’occurrence à souveraineté nationale, une notion historiquement dépassée dans les faits. Quand aux banques centrales, leurs actionnaires sont les États, à l’exception de la Federal Reserve américaine. En reprendre le contrôle, oui, mais les nationaliser c’est déjà fait !

  2. Il faut s’entendre sur les termes : quel est le sens d’ une banque « nationalisée » par un État, dès lors que l’action de la banque de France est en dépendance totale ! via la BCE , de la bonne volonté des propriétaires des megas banques qui gèrent les capitaux privés .

    chaque banque nationale a un dispositif juridique particulier, par exemple la banque de Belgique n’a que deux actionnaires identifié :
    50% Etat belge
    2,5 % AVH

    et le reste anomyme …

    http://www.actionnariatwallon.be/organisme/banque-nationale-de-belgique-29921

      1. Précisément,

        qu’est-ce qu’un actionnaire étatique qui ne peut en rien décider des moyens mis en oeuvre par sa société, dès lors que le principe absolu est le recours au marché privé des capitaux ? Sinon de faire croire que l’État y jouerait encore un rôle, c’est là l’hypocrise des banques centrales, sauf que « le trésor » de chaque État rechargera les comptes de sa banque centrale, lorsque le système bancaire globalisé exigera de brader les actifs tangibles du pays.

        Par ailleurs, qu’est-ce qui pourrait bien justifier que la souveraineté nationale serait « une notion historiquement dépassée dans les faits » . C’est clair que l’État ukrainien a déjà disparu, les terres sont vendues aux multinationales, et la misère économique que nous allons tous incessamment partager s’accompagnera de l’importation sans frontière de la criminalité mafieuse sur laquelle s’appuie le régime de Kiev. Assurément, les activités économiques déviantes sont la seule façon de survivre, ici comme là-bas, face à la misère « .

        (En Grèce, dans le sillage de la révolution des patates, l’économie informelle « positive » n’est toujours nulle part, par contre, la criminalité économique prospère.)

  3. Bonjour François,

    J’ai partagé votre article sur FB et vous avez réussi à effrayer une amie ! Dans le dernier paragraphe, lorsque vous dites « l’autre solution consisterait à abandonner les banques à leur propre sort et à favoriser une restructuration grand format du système bancaire européen en faveur de quelques mastodontes », il est bien clair que ce n’est pas votre solution mais plutôt ce qui est discuté en haut lieu, n’est-ce pas ? Je ne suis personnellement pas contre le fait de laisser mourir les banques, mais à condition de les nationaliser pour pas un kopeck une fois tombées ! Bref, si vous pouviez préciser votre pensée… Merci.

    1. C’est une hypothèse d’école dans la lignée de la pensée libérale qui s’alimente de manière caricaturale à la théorie de la « destruction créatrice » de Schumpeter ! Que votre amie se rassure, il n’y a pas de risque !

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